Olivier, d'où t'es venue cette idée d'une ''sève commune'' aux êtres humains ?

D'une expérience personnelle très forte et très troublante. Tellement troublante que j'ai douté, pendant très longtemps, de sa réalité. Mais si cette expérience avait été le fruit de mon imagination, elle serait sorti de ma mémoire après une dizaine d'années, mais il n'en est rien. Ensuite, il m'a fallu trouver les mots pour la décrire et pour oser en parler publiquement comme aujourd'hui, ce qui me prit presque 10 années de plus.

Alors, voici donc, cette expérience: J'avais 22 ans, en pleine forme, et je plongeais tout seul vers les profondeurs de la mer, j'étais jeune et con, j'avais besoin de connaître mes limites. Vers les 90 mètres de fond, j'ai ressenti les premiers effet de l'hyperoxie (toxicité de l'oxygène). Mes muscles se contractaient tout seuls, et mes sens de la vue et de l'audition augmentaient en intensité. Ensuite, je suppose que j'ai eu un blocage du système nerveux central accompagné d'une hypercapnie (arrêt de la respiration) pendant 3 minutes. En effet, lorsque j'ai repris connaissance, j'ai vu mon ordi de plongée indiquer 100m de fond et 9 minutes de temps de plongée. La dernière fois que j'avais regardé mon ordi, j'en étais à 90m de fond pour 6 minutes de plongée. Tous les médecins spécialistes dans le domaine s'accordent à dire que je suis extrêmement chanceux d'en être sorti vivant.

Que s'est il donc passé pendant ces 3 minutes?
Et c'est là où il m'a fallu de très longues années pour décrire avec nos mots (bien pauvres, ma foi) ce qui s'est passé pendant ces 3 minutes... Cela commença par le fait que je ne voyais plus avec mes yeux mais que je me voyais du dessus. Puis, je m'éloigna de mon corps enivré par cette liberté soudaine de pouvoir bouger au gré de mon esprit sans plus aucune contrainte physique. C'était tout simplement génial, éblouissant, épatant, magnifique, vertigineux, extraordinaire, phénoménale... Etc....
Nos mots sont bien faibles face à cette situation.
Au fur et à mesure que je m'éloignais de mon corps, je sentais que je perdais de mon identité personnelle, non sans une certaine inquiétude, mais ce qui m'attendait semblait tellement fantastique que je n'ai nullement hésité à continuer de m'éloigner de mon corps. Et là, je me déplaçais au bon gré de mon esprit de pays en pays au travers de cette ''sève'' qui unit les êtres humains. Mais, plus je me déplaçais, plus mon esprit se mêlait aux autres... Un peu comme un carré de chocolat qui fond dans la sauce chocolat qu'on touille sur le feu... Le carré que j'étais devenait la sauce tout entière... Et le proverbe «Tout n'est qu'un.» se mis à prendre du sens.

Enfin bref, je me retrouvais dans cette ''sève'' commune à tous les êtres humains, ainsi capable de ressentir le bonheur mais aussi le malheur et les souffrances de chacun de ces milliers de corps humains qui vivent sur notre planète. Et là, je, tu, vous, nous, ils et elles m'ont dit:
''Ce corps à 100 mètres de fond est le tien, le mien... Celui-là, tu peux encore le sauver...''
Et là, d'un seul coup, je me retrouve dans mon corps, j'ai repris connaissance, je regarde mon ordi, voit 100m et 9 minutes... Oups, il faut que je remonte immédiatement avant que je reperde connaissance.

Et voilà comment, je suis aujourd'hui capable de vous parler de mon expérience hyperoxique à 100 mètres de fond.

H-Harmonic est donc pour moi une façon de rendre hommage à cette sève (dont vous êtes toutes et tous constitués) et donc à vous toutes et tous qui m'avez sauvé la vie en 1992.

Harmoniquement vôtre.
H Olivier Dauxais